RAHMY

Lou Lepori
PHILIPPE RAHMY 
LE VOYAGEUR DE CRISTAL 

Genève, Éditions Double Ligne, sortie 3 mars 2023

Rien ne semblait destiner Philippe Rahmy (1965-2017) à devenir un écrivain-voyageur, sur la lignée de ses consœurs et de ses confrères helvétiques (Schwarzenbach, Maillard, Bouvier). La maladie génétique dont il est atteint (ostéogenèse imparfaite) l’oblige dès l’enfance à une extrême attention : ses premières œuvres poétiques attestent d’un parcours dans la douleur et dans le corps qui ne prend jamais la forme de la plainte.

En 2011, Rahmy est invité par l’Associa- tion des écrivains de Shanghai à une résidence de deux mois. La confrontation avec la mégapole donne naissance à Béton armé (2013), élu meilleur récit de voyage par le magazine Lire. L’itinérance prend alors la forme d’une exploration romanesque, entre histoires et époques, entre autofiction et engagement. De Londres (Allegra) à Israël (Monarques), de Miami (Pardon pour l’Amérique) à l’Argentine, l’homme de cristal arpente les voies du monde avec avidité et frénésie. La révolte politique se mêle à l’élan vital, dans une poignée de livres puissants et humanistes. 

En traversant son œuvre dense et fulgurante, cette première biographie de Philippe Rahmy s’attache à mieux cerner l’ambiguïté et la beauté d’une pulsion de voyage, entravée par la maladie. Elle s’appuie sur un vaste corpus de lettres, de documents et d’inédits et nous plonge dans un chantier littéraire foisonnant et exigeant. 



Philippe Rahmy
OÙ JE ME RÊVE
Préface de Denis Lavant, Lausanne,
Éditions d’en bas, 2023

Les récits de voyage réunis dans ce recueil, dont beaucoup sont inédits, témoignent de la capacité inouïe de Philippe Rahmy à se fondre dans ce qui l’entoure pour en restituer l’essence même. « Raconter » ne l’intéresse pas : il veut « habiter le langage comme on campe sous une voie rapide ».

Quand cette certitude touche un écrivain, il y a des chances pour qu’un langage, un ton, naisse de cet état. Ce fut le cas pour Philippe Rahmy, dont les Éditions d’en bas publient un recueil de courts textes écrits dans différents pays, préfacé par le comédien Denis Lavant et intitulé : Où je me rêve. Il ne faut pas le lire pour avoir pitié de lui, mais pour avoir pitié de soi-même, de ce monde dans lequel on vit…

Philippe Lançon, Charlie Hebdo, 15 mars 2023

Emmanuelle Caminade, Litteratura, juin 2023 (voir aussi «  L’or des livres »)
« Le Matricule des Anges », juin 2023
« Tribune de Genève »

Radio Suisse Romande, Quartier Livres, 9 avril 2023

Radio Svizzera Italiana, Rete due, « Alice », 18.03.23, intervista con Massimo Zenari.

Lisbeth Koutchoumoff Aman, « Le Temps », 4 mars 2023


A qui en douterait, sa dizaine d’ouvrages publiés offrira l’évidence de cette voix puissante, traversée par un humanisme de grande empathie, une exigence jubilatoire, une éblouissante poésie. De l’avant-gardisme des premières proses lézardées de douleurs à son road-trip digressif et posthume Pardon pour l’Amérique (2018) en passant par le coup d’éclat de Béton armé (2013), c’est une œuvre d’itinérances et de fulgurances, «située sur la ligne de faille entre l’intime et le territoire, entre l’immobilité forcée et la volonté d’empoigner le monde, entre la chronique et la fiction», comme l’écrit l’ami proche Lou Lepori dans une monographie qui, pour la première fois, envisage dans toute son amplitude la quête littéraire de ce «voyageur de cristal». Oui, bourlingueur paradoxal, car atteint d’une maladie génétique, l’ostéogenèse imparfaite, qui avait assigné son enfance à résidence et menaçait toujours de le destiner à la sédentarité, n’était cette formidable pulsion de l’ailleurs d’où procéderont ses textes de la maturité. Une tension que Lepori restitue avec nuance et éloquence, soulignant la dimension profondément littéraire de cette confrontation au réel dénuée de dolorisme, qui engage toujours le langage autant que le regard. Ecrivain-voyageur, mais sur des territoires également philosophiques, poétiques, esthétiques, intimes: «Nous sommes submergés, démultipliés, accélérés par le paysage que nous traversons, mieux encore, par le paysage que nous sommes.» (…) Une démultiplication qui, chez cet écrivain genevois, francoégyptien par son père et allemand par sa mère, prenait la forme d’un imposant archipel de projets, brouillons, romans, proses poétiques, textes brefs publiés sur la plateforme Remue. net qu’il avait cofondée, mais également photographies et vidéos, sans oublier une intense activité épistolaire avec quelque dix mille mails conservés… Labyrinthe créatif dans lequel nous guide l’essayiste avec le courage du défricheur-déchiffreur, au fil de son essai biographique qui n’a rien de l’hagiographie mais tient plutôt de la déambulation dans les coulisses d’une œuvre en floraison (…)

Thierry Raboud, La Liberté, 4 mars 2023


« (…) Fort de son mal et sensible jusqu’à la déchirure, Philippe Rahmy va arpenter le monde pour livrer des témoignages personnels, vivants, dramatiquement humains et superbement écrits pour entraîner son lecteur sur ses pas nomades jusqu’à l’ultime «Pardon pour l’Amérique». Sans transiger avec le langage et les mots car il a toujours voulu plus, beaucoup plus, que raconter. Tout Rahmy, sa vie et son œuvre, se retrouve donc dans le très beau «Philippe Rahmy, le voyageur de cristal» de Lou Lepori, un ouvrage publié par la maison genevoise Double Ligne. L’auteur navigue entre la biographie et l’essai pour éclairer la démarche créative d’un écrivain qui a construit en peu de temps une œuvre dense et engagée.De plus, le recueil de textes de Philippe Rahmy «Où je me rêve», préfacé par le comédien Denis Lavant, rassemble des inédits et d’autres qu’il a en son temps publiés sur le site remue.net, ainsi que des correspondances. En quelques pages ou en textes courts et percutants, il dit des moments et des choses vues de Malte à Israël, des États-Unis à la Suisse. On y trouve notamment un texte de 1982 intitulé «Daddy Burton». » (…)

Philippe Villard, La Tribune de Genève, 25.05.2023


Philippe Rahmy, photo (c) Hannah Assouline (Opale)

« Comment la littérature, toute de nuances et de faux-fuyants, qui ne nous aide pas à comprendre la vie mais à en faire notre demeure, qui nous désoriente avec bonheur, multipliant les chemins des écoliers et les occasions de faire l’école buissonnière sur la ligne droite qui mène du berceau à la tombe, aurait-elle le pouvoir de commander la matière ? Je l’ignore. J’en ai fait l’expérience. »

Philippe Rahmy, Béton armé, éditions del la Table Ronde, 2013.
À ÉCOUTER
« Corps à corps avec Shangai » de Philippe Rahmy
Cédric Leproust (jeu), Marc Berman (musique), Lou Lepori (dramaturgie)