« J’écoute uniquement les chansons tristes – dit Fanny Ardant dans La femme d’à côté –parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes.»

Alexandre, journaliste en crise, anime une émission nocturne. Nuit américaine est une sorte de ligne du coeur dans laquelle se croisent les voix d’êtres drôles, désespérés, absurdes ou pleins d’espoir. La dérive de l’animateur dans une ville étrangère alterne avec ces confessions. Dans son voyage, Alexandre retrouvera les visages et les voix qui le hantent.
Nuit américaine, Lausanne, Editions d’en bas, 2019.

Un véritable concentré d’humanité que l’auteur livre avec sensibilité et bienveillance. De ce livre, j’ai aussi apprécié le style très fin et élégant, d’autant plus remarquable qu’il a été écrit en italien puis traduit par l’auteur lui-même. Blog Fictionista, Mes dernières lectures suisses, septembre 2019.

Effetto notte (auto-traduction de Nuit américaine) est le quatrième roman de Pierre Lepori, écrivain d’origine tessinoise vivant en Suisse romande. Parcourant tout le texte, la référence explicite à la mise en abyme filmée par François Truffaut ne doit pas réduire ce court roman à une simple citation cinématographique. Effeto notte est avant tout une œuvre polyphonique, faite de voix et de musiques, à lire et à entendre, ayant pour figure centrale le journaliste radiophonique Alessandro, qui s’est exilé en Amérique afin de se retrouver ; là-bas, il écoute les récits variés des existences ordinaires du public de son émission. Avec la distance géographique, de l’autre côté du globe la nuit devient le jour et le speaker auditeur d’autrui et de lui-même. Sara Lonati, Viceversa 14, 2020 (tr. Claudine Gaetzi)

Nuit américaine, Lausanne, Editions d’en bas, 2018.


La dérive de l’animateur dans une ville étrangère alterne avec ces confessions, donnant au roman une allure polyphonique et une ambition humaniste. Dans son voyage au bout de la nuit, Alexandre retrouvera aussi les visages et les voix qui le hantent et acceptera sa propre fragilité et fluidité ; des thèmes qui traversent l’oeuvre de l’auteur depuis ses premiers textes poétiques.
(…) Solitaire, perdu dans une autre réalité, il va peu à peu se rapprocher de lui-même. Des personnages emblématiques, Pamela, Michel, Bruno, Ornella, gravitent autour de lui, en chair et en os, au téléphone, par écrit ou en rêve. Peu à peu, certains s’éloignent, d’autres reviennent et une épiphanie discrète se produit. Pierre Lepori orchestre avec sensibilité cette dérive atmosphérique et contemporaine.
Eléonore Sulser, « Le Temps », 20 octobre 2018.
Ruth Gantert, Brief aus der Romandie, Literarische Monat, 34, Oktober-November 2018.
(…) Pierre Lepori tisse une atmosphère flottante où les lieux défilent comme derrière une vitre, où son protagoniste semble glisser sans se heurter au monde ni aux autres, son embonpoint faisant écran. Imagée, vive et poétique, l’écriture fait mouche et nous entraîne dans son rythme sûr. L’auteur excelle aussi à donner la parole à une grande diversité de voix: touchants, loin du cliché, les monologues des auditeurs de cette Ligne du coeur esquissent un tableau sensible du mal-être contemporain.
Anne Pitteloud, Le Courrier, 19 août 2018.
Nuit américaine, une bulle au cœur de la nuit, une bulle aussi ronde que semble l’être Alexandre, tout en rondeurs, sans aspérités apparentes, mais vide en creux et sensible à la moindre tête d’épingle. Voix étouffées, nocturnes, qu’Alexandre absorbe, absorbe, se gavant pour résister aux chocs, lui qui n’est plus qu’un transit, un corps mou qui à grand peine s’est relevé, qui a continué de se lever, après le scandale, mais pour qui, mais pour quoi, recréer ce semblant d’équilibre.
Amandine Glévarec, Kroniques.com, 21 octobre 2018.
« (…) le style de Lepori, à la fois subtil et précis, d’une grande poésie, restitue bien cette dérive qui pourrait être fatale (…). Nuit américaine est un livre sur la dépossession : Alexandre, hanté par les voix de la nuit, est écarté de son émission, avant de perdre celle qui va l’aider à se reconstruire. Double dépossession, donc, que Pierre Lepori restitue et creuse parfaitement dans son roman à la mélancolie allègre. »
Jean-Michel Olivier, Blog Ecrivain de la comédie romande, 19 septembre 2018 (La Tribune de Genève, 21 septembre 2018)
«(…) Alex en Amérique s’enfonce dans sa nuit à lui, à lui seul, dans une ville trop grande. Sa rencontre avec Paméla, femme corpulente, étrange créature à la chevelure rousse bouclée, ne peut qu’être un intermède, alors que le hantent les figures de sa mère, de son ex-femme, de son frère et de son ami d’enfance.
Le Blog de Francis Richard, 14 septembre 2018
La Couleur des jours, numéro 28, septembre 2018.
De nombreux personnages de vos romans (je pense à Mork, le garçon autiste de Come Cani, mais aussi au pyromane Samuel de Grisù) pourraient être étiquetés comme « différents ». Votre nouveau roman constitue peut-être un pas de plus vers cette multiplicité des identités en mineur : Alessandro, dont on raconte la dérive solitaire dans une ville américaine, anime une émission radiophonique intitulée Nuit américaine (comme le film de Truffaut) et les voix, les monologues des auditeurs qui l’appellent en direct alternent avec son histoire à lui; un effet presque théâtral (sans oublier que vous travaillez vous-même pour la radio depuis plus de vingt ans). Est-ce que le roman est aussi un moyen pour multiplier les voix et les identités ?
Les voix nocturnes, oui. Une parole libre, peut-être un peu cabossée, la vie qui pullule. Et surtout : une vie qui ne semble exister que quand on peut la raconter, lui donner une identité narrative, fluide car sul fiato (sur le souffle), nocturne, hésitante. C’est aussi une façon de dire que la littérature n’est pas un ornement culturel, mais un grand défi contre le silence et les oppressions de tout genre… comme dans les films de Raymond Depardon ou de Fernand Deligny. Se donner le droit de se dire pour conjurer le poids du déterminisme social, anthropologique, de genre. C’est un beau rêve, pour la littérature, n’est-ce pas ? Je me rends de plus en plus compte que c’est là une question fondamentale pour moi, nécessaire : écrire pour « créer, se créer », comme le dit Donata Genzi, la protagoniste de Se trouver de Pirandello, pièce que j’ai traduite et mise en scène. Ce nouveau roman, Nuit américaine, qui dit la nécessité de « se ré-écrire continuellement » selon les mots de Didier Eribon, est peut-être mon roman le plus optimiste. « Deviens ce que tu es » est la maxime de Nietzsche, qui, loin d’être paradoxale, nous dit qu’il ne suffit pas de vivre, mais qu’il faut savoir s’inventer, se perdre et se retrouver.
Entretien avec Luca Dorsa, Dossier Pierre Lepori, Viceversa littérature, numéro 12, juin 2018 (traduit de l’italien par Renato Weber).
